Édition du 19 novembre 2024

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Environnement

Réplique à la proposition de l'Association pétrolière et gazière du Québec

Je réplique ici au récent communiqué de presse de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) qui, par la voix de son président, tente de faire fléchir le gouvernement dans sa décision de rejeter la fracturation dans le schiste en alignant d’énormes faussetés qu’on se doit de dénoncer.

 La fausse carotte financière : on promet aux municipalités 500 000$/an par puits en postulant que la moyenne des puits peut générer 15M$/an en profits nets ! Cela est totalement irréaliste et incompatible avec les résultats obtenus pour les 18 puits fracturés au Québec. Le puits qui aurait donné les meilleurs résultats (A-275-St-Edouard-HZ) ne pourrait rapporter, pour l’ensemble de sa production EUR (Estimated Ultimate Recovery), que moins de 4M$, ce qui ne couvre même pas 50% de son coût de construction ; on trouvera l’analyse à ce lien : Un projet-pilote dans les Basses-Terres du St-Laurent ?

 La prétention d’une réutilisation de l’eau de fracturation à 100% : des eaux de fracking injectées dans le roc, il ne remonte en tout que 30 à 50% (eaux de reflux). Cela s’explique par divers facteurs techniquement incontournables : de nouveaux vides sont créés dans la roche, une partie des eaux pénètre la fine porosité du schiste, des composés chimiques du fluide de fracturation se lient en partie avec les minéraux naturels présents. On connaît par ailleurs très mal la chimie de ce qui se passe dans le roc fracturé, de même que les composants des fluides de fracturation ; cela a lieu loin de toute observation directe, sous haute pression, à 1000 m de profondeur, à des températures plus élevées qu’en laboratoire, etc.

 Aucun additif chimique ? Là encore de la poudre aux yeux. C’est pour endormir les enfants qu’on raconte habituellement des histoires à l’eau de rose.

 Les études des commissions d’enquêtes n’ont jamais démontré que les puits de gaz de schiste ne contaminent pas les nappes. C’est plutôt le contraire qu’elles soulignent dans leurs rapports. C’est justement l’absence de preuve de l’innocuité des techniques de fracturation sur les milieux naturels qui a incité bien des administrations à interdire ou à suspendre la fracturation hydraulique sur leur territoire. Les risques à moyen et à long termes de lentes migrations sont encore totalement inconnus.

 M. Binnion invoque la science, mais semble ignorer un de ses principes fondamentaux : on ne doit pas faire dire à un rapport ce que son contenu réel contredit explicitement.

 Appliquer l’expression « gaz propre » au gaz produit par fracturation hydraulique est un non-sens. Le bio-méthane peut à la rigueur prétendre au titre de gaz compatible avec les préoccupations environnementales ; mais les hydrocarbures des gisements marginaux et ceux tirés du schiste qu’on extrait par la fracturation complète de la strate emprisonnant ces hydrocarbures ténus et très disséminés n’auront jamais droit à cette appellation. La fracturation, c’est une coupe à blanc dans une couche géologique ; de cette coupe à blanc, on ne retire 2% des hydrocarbures en place dans le cas du pétrole, et 15 à 20% dans le cas du gaz de schiste. Il s’agit donc d’énormes dévastations permanentes et irréversibles du domaine public (l’espace souterrain) pour une ressource bien temporaire au profit d’intérêts privés.

Marc Durand, Doct-ing en géologie appliquée et géotechnique
31 juillet 2018

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