Édition du 14 mai 2024

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États-Unis

Obama se porte à la défense des tortionnaires

Vendredi après-midi, en conférence de presse télévisée, le Président Obama s’est porté à la défense du directeur de la CIA, M. John Brennan et de l’agence. Du même souffle, il admettait que la CIA a torturé des prisonniers dans ses prisons secrètes : « Nous avons torturé certaines personnes » a-t-il déclaré presque innocemment. Il s’est ensuite mis à excuser et justifier la torture.

Patrick Martin, wsws.org, 2 août 2014,
Traduction, Alexandra Cyr

Au cours de cette conférence de presse M. Obama a déclaré qu’il maintenait « toute sa confiance » en M. Brennan. Cela se passe au lendemain de la publication d’un rapport de l’inspecteur général de la CIA qui révèle que son directeur est un fieffé menteur. M. Brennan avait dénoncé les allégations d’espionnage illégal et inconstitutionnel de la CIA envers le Comité du Sénat sur les renseignements. Sa présidente, Mme D. Feinstein, a porté ces accusations avec force. Ce comité poursuivait une enquête sur de possibles pratiques de torture de la part de l’agence durant l’administration G.W.Bush. L’inspecteur général conclut que l’espionnage a eut lieu.

La surveillance légale qu’exerce le Sénat sur la CIA et qui fait parti de son mandat, est une broutille face aux autres pouvoirs qui agissent en toute liberté ; que ce soient des personnages non élus ou les généraux qui sont à la tête des agences militaires et des renseignements. Le fait que l’agence en tête de l’espionnage américain puisse mettre en place des programmes de torture, agir pour saboter des preuves apportées par le Congrès d’activités criminelles et s’en tirer sans conséquences met en lumière le degré de désintégration de la démocratie américaine et l’émergence, derrière l’écran des élections, d’un cadre structurant un État policier.

Il faut examiner plus précisément le discours de M. Obama sur la torture. Ses arguments sont un sommaire, en quelques phrases, de tous les sophismes et mensonges qu’ont toujours employé les représentantEs officielLEs de Washington pour camoufler ces crimes aux yeux de la population mondiale.

Il débute en disant : « Au moment de l’immédiat après onze septembre 2001, nous avons posé quelques gestes qui ne sont pas corrects. Nous en avons posé beaucoup qui sont acceptables mais nous avons aussi torturé quelques personnes. Nous avons posé des gestes qui sont contraire à nos valeurs ».

Ici, la torture n’est pas blâmée comme un manquement aux « valeurs » fondamentales de l’impérialisme américain, mais seulement comme une expression de son caractère violent et réactionnaire. Le gouvernement américain a tué des millions de personnes dans ses guerres impériales au cours du seul demi siècle passé : de la Corée et du Vietnam à l’Irak et à l’Afghanistan. En plus de torturer des prisonniers de première main, des douzaines de sous contrats ont été dévolus à des régimes meurtriers comme ceux du Chili de Pinochet, du Shah d’Iran, des monarques de l’Arabie Saoudite et des actuels généraux égyptiens.

M. Obama continue : « Je comprends pourquoi cela est arrivé. Je pense qu’il est important de nous souvenir à quel point la population était effrayée au lendemain de l’attaque contre les tours jumelles de New-York, contre le Pentagone et l’avion qui est tombé en Pennsylvanie. Elle ne savait pas si d’autres attaques du genre étaient imminentes. Il y a eu d’énormes pressions sur nos institutions légales et sur celles en charge de la sécurité pour qu’elles tentent de faire face à la situation ».

La « pression » sur la CIA pour passer à la torture n’est pas venue de la « population ». Elle est venue des têtes dirigeantes de l’administration Bush, du Président lui-même et de son vice-président, M. Dick Cheney. Les Démocrates au Congrès ont été tenus au courant de ce qui se passait dans les prisons clandestines de la CIA. La population de son côté a été délibérément tenue dans l’ignorance par le gouvernement ; il pouvait ainsi poursuivre son programme avec un minimum d’opposition.

Et M. Obama ajoute : « Il est important de ne pas trop juger ceux et celles qui ont dû accomplir cette tâche difficile. La plupart ont travaillé fort sous d’énormes pressions ; ce sont de véritables patriotes. Ceci dit, nous avons pratiqué quelque chose d’incorrect ».
Ces propos visaient à rassurer la CIA ; elle ne subira pas de conséquences quand la version déclassifiée du rapport du comité sénatorial sur les renseignements sera rendu publique la semaine prochaine. Il porte sur le programme de torture appelé Rendition/Detention/Interrogation dans le jargon de l’agence.

Les 6,300 pages de ce rapport vont demeurer secrètes mais, un sommaire de 400 pages sera publié après avoir été lourdement corrigé par les dirigeants de la CIA dont ceux qui ont été directement responsables des prisons clandestines. La semaine dernière, le New-York Times rapportait que 200 agentEs impliquéEs dans le programme de torture sont encore au travail à la CIA. Plusieurs ont des postes de responsabilité, dont son directeur M. Brennan lui-même. Il était un officier de haut rang du temps de l’administration Bush. Il a collaboré à la supervision du programme et l’a défendu publiquement.

Début 2009, M. Obama a voulu lui accorder le poste de directeur de l’agence mais il n’a pas poursuivi dans cette voie parce que justement, cette association avec l’administration Bush et le programme de torture minait ses chances d’être approuvé par le Sénat. Il en a plutôt fait son conseiller principal en matière de contre terrorisme ce qui comportait la surveillance du programme d’assassinat par drones de son administration. Après sa réélection, le Président est allé de l’avant pour le nommer à la tête de la principale agence d’espionnage du pays. Le Sénat a entériné cette nomination avec une majorité confortable et le soutient d’une très grande partie des Démocrates.

L’admission par M. Obama que les États-Unis « ont pratiqué la torture » a des résonances particulières en regard de la Convention internationale sur la torture. Si le gouvernement refuse de poursuivre les tortionnaires, comme M. Obama l’a indiqué, cela pourrait se traduire par des poursuites de la part d’autres gouvernements ou des tribunaux internationaux.

Le Président a conclut ses remarques en proclamant, (ce fut un moment particulièrement obscène), que : « nous devons comme pays, prendre nos responsabilités ». Il est celui qui a déclaré en 2009, que personne ne devrait être poursuivi pour les crimes commis sous l’administration Bush, que ce soient les mensonges proférés pour justifier les guerres, la torture, les surveillances illégales….parce que son administration voulait : « regarder en avant pas en arrière ».

Il proclame maintenant qu’il a fait cesser la torture de présumés terroristes. Cela est absurde et inutile parce qu’en même temps, non seulement agit-il pour protéger les tortionnaires d’éventuelles poursuites judiciaires ou d’autres formes de mises en responsabilité mais il leur accorde même des promotions jusqu’à la direction de l’agence. Parce qu’en plus, il a admis clairement avoir donné des ordres pour que des citoyens américains soient assassinés par drone, il est un criminel de guerre.

Le peuple américain n’est pas responsable de la torture pratiquée par la CIA, des assassinats par drones, des guerres impérialistes et des autres crimes commis par l’appareil militaire et de renseignement du pays. Le peuple américain n’a pas le contrôle de la machine de violence et de répression qui a ses quartiers généraux à Washington. Nous avons maintenant des preuves, comme Edward Snowden l’a démontré, que la principale cible des efforts de surveillance et de violence du gouvernement américain est, en dernier ressort, la population américaine elle-même.

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