Édition du 14 mai 2024

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Québec

Le sens de la victoire attendue de Pierre-Karl Péladeau pour l’avenir du PQ

Avec la défaite historique du 7 avril dernier où le PQ s’est contenté de 21 % des votes, son résultat le plus décevant depuis des décennies, le moral était tombé au plus bas dans les rangs péquistes. Parizeau aurait-il eu raison ? Le PQ ne serait-il plus qu’un "champ de ruines " ? La démission de Pauline Marois a ouvert une course à la chefferie qui s’est amorcée le soir même de sa défaite électorale. Rapidement, Pierre-Karl Péladeau a attiré un soutien largement majoritaire. Certains ont parlé d’un couronnement, car les autres candidatEs ne faisaient visiblement pas le poids. Pierre-Karl Péladeau, pour beaucoup, est le futur chef du PQ.

Pourquoi PKP s’impose-t-il si facilement ?

PKP n’est pas un politicien expérimenté. Il commence en effet sa carrière politique. Il ne dispose par d’un charisme particulièrement imposant. Mais, c’est un homme de pouvoir. Il est à la tête d’un vaste conglomérat médiatique. Il est issu d’une famille nationaliste qui a fait sa marque au Québec.

En laissant sous-entendre qu’il posera sa candidature à la chefferie du Parti québécois, il refuse de se laisser aller au défaitisme et il montre qu’il veut être un acteur de premier plan pour remettre le PQ sur la voie de sa reconstruction. Il nourrit l’espoir que le PQ peut en finir avec le déclin qu’il connaît depuis de nombreuses années, qu’il peut être reconstruit rapidement et redevenir un candidat sérieux à la prise du pouvoir et à la formation d’un gouvernement nationaliste.

Le soutien massif des membres du PQ à PKP, c’est la volonté d’avoir un chef qui est du côté des gagnants. Ce ralliement à Pierre-Karl Péladeau vise à écarter le spectre d’un Parti libéral du Québec devenu le seul parti candidat naturel à la prise du pouvoir au Québec, et cela, pour de nombreuses années. La pensée magique est donc au rendez-vous. Elle permet de transfigurer, par la grâce d’une prochaine élection, un néolibéral, puissant parmi les puissants, en défenseur d’un peuple et de son indépendance nationale.

Quel avenir prépare-t-il au PQ ?

Pierre-Karl Péladeau est d’abord connu comme un patron de combat. Il a marqué le Québec en soumettant ses entreprises à 14 lock-out et en faisant la preuve d’un antisyndicalisme farouche. Il est aussi un manoeuvrier qui a réussi à faire subventionner ses entreprises par l’argent public à plusieurs reprises. Il s’est même permis d’instrumenter le Parti québécois pour favoriser le financement public d’un investissement dans la construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec. Dernièrement, il n’a pas exclu que le privé devait avoir sa place dans le système de santé au Québec. Mais PKP sait bien qu’il devra « recentrer » son discours économique, tant que le PQ sera dans l’opposition s’il veut espérer reprendre le pouvoir. Il saura également dénoncer l’aplaventrisme des fédéralistes du PLQ qui sont complètement soumis aux intérêts de la bourgeoisie canadienne et engagés dans une contre-réforme visant à démanteler complètement l’État social. PKP tablera donc sur un indépendantisme patient... en posant la nécessité de gains concrets pour reconstruire les conditions de la lutte pour l’indépendance. Souveraineté énergétique, souveraineté culturelle, souveraineté linguistique... Le combat pour l’indépendance devra donc passer par une série de gains partiels. C’est ainsi qu’il pourra renouveler l’approche des conditions gagnantes et lui donner une nouvelle crédibilité. Cet autonomisme centré sur les enjeux économiques et sur le soutien aux entreprises québécoises ouvrira les possibilités soit d’un rapprochement avec la CAQ ou du moins, ouvrira des possibilités d’une reconquête par le PQ d’une partie de la base électorale de ce parti. Il s’agira de donner un vernis affairiste sur la gouvernance souverainiste ou sur le souverainisme provincial et compter que cela sera suffisant pour donner un nouveau souffle au Parti québécois. Mais les mêmes politiques posant les mêmes problèmes, soit l’incapacité stratégique de parvenir à l’indépendance par cette voie, l’impasse stratégique du PQ ressurgira tôt ou tard.

Les coups fourrés du PLQ et de la CAQ contre PKP sont déjà au rendez-vous !

Toute l’affaire autour de l’incompatibilité entre le rôle de député et celui de propriétaire d’un conglomérat médiatique qui a une influence majeure sur l’information au Québec n’en est que le premier exemple. C’est Jean-François Lisée qui a agité le grelot en affirmant que la candidature de PKP à la chefferie serait une bombe à retardement pour le Parti québécois. Il demandait à PKP de choisir entre son empire et sa carrière politique et de vendre les actions qu’il détient dans l’entreprise Québécor.

François Legault de la Coalition Avenir Québec a rapidement saisi l’occasion offerte par Jean-François Lisée. Pour François Legault, Pierre-Karl Péladeau, comme homme d’affaires d’envergure, a le profil apte à attirer une partie de sa base électorale. Il était absolument urgent de s’attaquer à son intégrité, de le déstabiliser, et à la limite de le pousser à choisir la gestion de son empire en lieu et place d’une éventuelle carrière comme chef du Parti.

La CAQ, avec la collaboration du gouvernement Couillard, trop heureux de collaborer à cette manœuvre, a présenté une motion à l’Assemblée nationale, motion visant à empêcher un député ou un membre de sa famille de détenir une entreprise de presse. Québec solidaire a soutenu également cette motion. C’est ainsi que quatre-vingt-quatre députés se sont prononcés en faveur de la motion, tandis que seuls les 22 députés du Parti québécois ont refusé d’appuyer le texte présenté par le leader parlementaire de la CAQ, François Bonnardel. Le travail parlementaire de Pierre-Karl Péladeau depuis son élection fut scruté à la loupe et on identifia des interventions du député en commission parlementaire qui semblaient relever soit de conflits d’intérêts ou d’en avoir l’apparence. Le député de St-Jérôme a en effet tendance à identifier ses intérêts personnels à l’intérêt national...

Pour le Parti libéral du Québec et les chroniqueurs fédéralistes de Gesca, l’entrée en scène de PKP comme chef du PQ représente le danger d’un nouveau souffle donné au PQ et le maintien d’une force qui remet en question la légitimité de la domination fédérale sur le Québec.

Philippe Couillard était prêt à jouer le jeu de la CAQ, mais il n’était pas prêt à ce que s’ouvre un vaste débat sur la concentration la presse. Pas question de tirer au clair les conditions d’une information au service de la démocratie, des citoyennes et des citoyens, qui fourniraient les informations sur les accaparements de l’oligarchie régnante, sur leurs secrets et les détournements des richesses à leur profit.

La Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec se méfie de l’évolution possible du PQ sous la direction de PKP

Le président de la FTQ, Daniel Boyer, ne se fait pas d’illusions. Il affirme que la FTQ veut barrer la route à PKP. Il pourrait même soutenir Martine Ouellet comme l’envisage les Métallos. C’est la proximité de la centrale avec le PQ qui est en jeu pour son président. C’est cette proximité qu’il veut défendre. C’est la prétention du PQ de se présenter comme un parti social-démocrate qui n’aurait plus aucune crédibilité si PKP en prenait la direction. On voit que le champ politique pourrait être profondément bouleversé et qu’un important espace politique à gauche pourrait s’ouvrir avec l’accession de PKP à la direction du Parti québécois. Cela ne serait pas sans impact sur l’avenir de Québec solidaire. Il est moins temps que jamais d’inviter les syndicalistes à rejoindre les rangs du PQ comme le fait Daniel Boyer.

L’élection de PKP comme chef du PQ marquera la consécration du souverainisme provincial.

L’élection de PKP comme chef ne signifiera pas une quelconque sortie du souverainisme provincial. Au contraire, son élection va signifier sa consolidation et inscrire son programme dans cette direction.

La reprise du pouvoir provincial restera le seul horizon possible pour le Parti Québécois. Toute mobilisation sérieuse visant la rupture avec l’État canadien, toute mobilisation populaire à partir de leurs propres intérêts, toute volonté de refondation démocratique à partir d’une optique de dépassement de la démocratie représentative, sont des perspectives qui seront complètement ignorées par le Parti québécois dirigé par PKP.

La politique péquiste sous le règne de PKP visera à lutter contre le renforcement d’une orientation politique basée sur le développement de la lutte contre l’austérité et contre le 1 % qui concentre de plus en plus de richesses entre ses mains et qui se permet de soutenir le tournant pétrolier porteur de catastrophes écologiques majeures. Cette politique régressive a été mise en oeuvre de 1995 à 2003 par les gouvernements péquistes et, encore une fois, par le gouvernement Marois. Pas question pour les militants et militantes des mouvements sociaux d’y apporter le moindre soutien.

C’est dans sa bataille pour la justice sociale et écologique, et pour une indépendance au service de la majorité populaire, que Québec solidaire pourra se construire et construire un nouveau bloc social véritablement porteur d’un projet d’une réelle transformation sociale et d’une véritable libération nationale. PKP nous promet, lui, de se faire le défenseur, au mieux, d’un souverainisme provincial.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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