Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amiante

Le Collège des médecins du Québec doit prendre position sur l'exportation d'amiante

Lettre au docteur Charles Bernard, Président-directeur général du Collège des médecins du Québec.

Le Collège des médecins a pour mission de « promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l’amélioration de la santé des Québécois », d’où sa responsabilité de « prend(re) position dans les débats qui préoccupent le public en matière de santé ».

Or, l’urgence des problèmes de santé publique des Québécois et des populations d’outre-mer, liée à la garantie de prêt de 58 millions de dollars que s’apprête à consentir, d’ici le 15 janvier, le Gouvernement du Québec au consortium de la mine Jeffrey d’Asbestos pour assurer la production et l’exportation à l’étranger de 200,000 tonnes par an d’amiante chrysotile pendant 25 ans, nous incite à vous demander une rencontre immédiate. À notre avis, le Collège doit prendre position dans ce débat majeur et fort préoccupant, dont nous rappelons ici certains éléments particulièrement inquiétants :

• Le travail de désinformation du gouvernement à propos des risques à la santé que pose l’amiante, met en danger la santé des travailleurs d’ici, mais surtout des populations qui utiliseront cet amiante à l’étranger.

• « L’aveuglement volontaire du gouvernement qui a rejeté les avis scientifiques de nombreuses organisations médicales québécoises, nationales et internationales, au profit d’intérêts économiques et politiques à court terme, crée un dangereux précédent pour toute question de santé publique au Québec.

• L’abdication par le ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc, de ses responsabilités de ministre et de médecin de protéger la santé publique en dépit de plusieurs lettres, cosignées par des dizaines de médecins de l’étranger et du Québec, lui rappelant ses obligations.

• La négation par le Dr Bolduc et par le gouvernement des valeurs primordiales du Code de déontologie, ce qui met en danger la santé du public québécois et des populations d’outre-mer.

• Une recherche réalisée par plusieurs agences de santé publique du Québec (Projet Provincial – Amiante, 31 déc. 2007) a conclu que, dans les rares milieux de travail où l’amiante chrysotile continue d’ëtre utilisée au Québec, les taux d’échec des pratiques « d’utilisation sécuritaire » sont de 100% ! Ce rapport du gouvernement du Québec, a recommandé que tout
équipement contenant de l’amiante soit remplacé par de l’équipement moins dangereux et sans amiante.

Le 6 janvier 2011

En résumé, comment assurer la protection de la santé publique quand le ministre de la Santé et le gouvernement du Québec, ayant l’obligation de la protéger, semblent afficher un tel mépris des connaissances scientifiques dans le dossier de l’amiante, au point de prolonger depuis des mois le suspens de l’octroi de cette garantie de prêt de 58 millions de dollars indispensable à la réouverture de la mine Jeffrey ?

Rappelons que les preuves de la nocivité de l’amiante s’appuient sur des décennies de recherches, suite à la maladie et à la mort de milliers de personnes exposées. C’est ce qui a conduit les plus grandes organisations nationales et internationales ( l’Organisation Mondiale de la Santé, le Centre international de recherche sur le cancer ; the Occupational Safety and Health Administration ; the National Toxicology Program ; the National Institutes of Health, l’Association Médicale du Canada, La Société canadienne du cancer, l’Association Canadienne des Médecins pour l’Environnement, l’Institut national de santé publique du Québec ; l’Association pour la santé publique du Québec, et plusieurs autres à considérer l’amiante comme un produit dangereux dont l’exploitation, l’utilisation et l’exportation mettent à risque la santé des populations.

Cette unanimité scientifique explique que des revues aussi prestigieuses que The Lancet et Nature aient récemment condamné en éditorial la production et l’exploitation de l’amiante, déjà bannie dans plus de 50 pays. Selon l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) l’amiante est « une bombe à retardement » alors que la Confédération syndicale internationale, représentant 160 millions de travailleurs de 155 pays demande d’en interdire l’utilisation.

Dans un monde globalisé, comment peut-on feindre d’ignorer que l’éventuelle garantie de prêt de 58 millions nécessaire à la réouverture de la mine Jeffrey que s’apprête à accorder gouvernement du Québec contribuera à compromettre, pour des décennies, la santé de millions de personnes, dont plus de 100,000 par an, rappelons-le, meurent des effets de l’amiante.

Devant la gravité d’une telle menace pour la santé publique, qui constituerait un véritable déshonneur tant pour le Québec, que pour la profession médicale québécoise, nous demandons au Collège des médecins du Québec, en vertu de son autorité en matière de protection de la santé publique, de s’impliquer immédiatement dans ce dossier au nom de la défense de la santé, des connaissances établies et des valeurs humanitaires que promeut le Code de déontologie.

C’est pourquoi nous demandons une rencontre d’urgence, en souhaitant vivement votre intervention sur une question primordiale pour le bien-être des êtres humains à propos de laquelle on a complètement négligé les obligations qui incombent naturellement au gouvernement d’un pays civilisé. La population du Québec, qui considère la protection de la santé, de l’environnement et des conditions de travail comme une responsabilité intimement liée à sa réputation internationale, a le droit d’attendre du Collège des médecins qu’il rappelle l’actuel gouvernement à ses devoirs, dont le premier, en matière de santé, est « de ne pas nuire ».


1 Gouvernement du Québec, Projet Provincial – Amiante, 31 déc. 2007
http://www.santepub-mtl.qc.ca/Publication/pdftravail/projetamiante.
Pdf

Le 6 janvier 2011

Dans l’attente d’une convocation d’urgence, nous vous réitérons l’expression de nos sentiments respectueux. Éric Notebaert, M.D., MSc, CSPQ. Professeur Agrégé, Faculté de Médecine, Université de Montréal. Urgentologue, Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Association Canadienne des Médecins pour l’Environnement.

Et Fernand Turcotte, M.D., MPH, RCCPc. Professeur émérite de la santé publique à la faculté de médecine, Université Laval.

Cette lettre a été cosignée par les médecins et scientifiques suivants :

Thierry Bégin, M.D. ; Pierre Biron, M.D. ; Élizabeth Bossé, M.D. ; Sylvie Bouchard, M.D. ; Caroline Bourassa-Fulop, M.D. ; Martin Chénier, M.D. ; Jean Daniel Cliche, M.D. ; Éric Darier, PhD ; André Y Denault, M.D. ; Catherine Dumas, M.D. ; Gabriella DelGrande, M.D. ; Richard Essiambre, M.D. ; Harold Dion, M.D. ; Benoît Gingras, M.D. ; Isabelle Gingras, M.D. ; Sophie Gosselin, M.D. ; Marie Claude Goulet, M.D. ; Caroline Grégoire, M.D. ; François Godue, M.D. ; Géraldine Jacquemin, M.D. ; Paul Jacquemin, M.D. ; Chloé Jamaty, M.D. ; Paul Jamaty, M.D. ; John Keyserlingk, M.D. ; Paul André Lachance, M.D. ; Laurie Lafontaine, M.D. ; Gilles Lavigne, M.D. ; Jean-Pierre Laurens, M.D. ; Myra Lemelin, M.D. ; Jacques Levasseur, M.D. ; Abby Lippman PhD ; Sydney Maynard, M.D. ; Rose-Marie Mécarbanné, M.D. ; Alexandre Messier, M.D. ; Nathalie Michaud, M.D. ; Juddy Morris, M.D. ; Mathieu Moreau, M.D. ; Véronique Morin, M.D. ; Bruno Paradis, M.D. ; Bruno Pelletier, M.D. ; Kathleen Pelletier, M.D. ; Diane Poirier, M.D. ; Stéphanne Perron, M.D. ; Philippe Rico, M.D. ; Lucien Rodrique, M.D. ; Dorothy Golden Rosenberg, PhD ; Anne Rouleau, M.D. ; Lucie Sauvé, PhD ; Dominique Sorel, MSc ; Philippe St-Arnaud, M.D. ; François Scarborough, M.D. ; Antonio Thibault, M.D. ; Anne Thibault, M.D. ; Louise Vandelac, PhD ;Cathy Vakil, M.D. ; Jonathan Verreault, M.D. ;


Coordonnées des signataires principaux :
Docteur Éric Notebaert
322 Monmouth. Ville Mont-Royal, H3P 2B2 (P.Québec)
Domicile : 514-342-1294 / Cellulaire : 514-912-6262 / C.H. : 514-338-2000
Docteur Fernand Turcotte
9845 De La Roche, Montréal, H2C 2N9
Domicile : 514-389-1240 ; P.j. : Annexes (3)

Fernand Turcotte

Médecin.

Sur le même thème : Amiante

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...