À cette époque, aucune réglementation provinciale ne définit de distance minimale entre un forage et un puit. Le conseil municipal adopte donc en mars 2013 son propre règlement et interdit de forer à moins de deux kilomètres d’un puit artésien ou de surface, distance établie par des études d’experts indépendants.
La compagnie réagit à ce règlement en poursuivant la municipalité pour un montant de 1,5 million, qui sera ensuite abaissé à 1 million. Pour une municipalité de 157 citoyens et citoyennes, le montant est énorme et représente 10 fois les revenus de taxation annuels. La municipalité doit se défendre mais n’en a pas les moyens. Elle fera donc appel à du « socio-financement », ce qui lui permettra d’amasser plus de 340 000 $ et ainsi assurer sa défense.
Après presque cinq ans d’attente, le 28 février 2018, la cour supérieure du Québec rejette la requête de Gastem. La juge Nicole Tremblay affirme que le règlement municipal « résulte d’un travail sérieux » et que « Ristigouche devait veiller à la protection des cours d’eau en respect des règles gouvernementales ». De plus, la juge ordonne à Gastem de payer une somme de 154 000 $ à Ristigouche-Sud-Est dans les 30 jours suivant la décision ainsi qu’un montant de 10 000 $ pour une partie des frais engagés par la municipalité pour se défendre.
Cette victoire n’est pas le fruit du hasard. De nombreuses personnes ont travaillé et continuent de le faire à tous les jours pour dénoncer les impacts de la filière des hydrocarbures au Québec. Elles ont aidé les petites et grandes municipalités en leur fournissant de l’information scientifique et légale de grande qualité. Elles ont élaboré des projets de résolution ou de règlement pour protéger l’eau potable en fixant des limites entre les puits de forage et les sources d’eau potable utilisées par les municipalités. Elles ont informé les citoyens et citoyennes et expliqué les enjeux de ce développement pétrolier, ceci dans le but de protéger l’eau et la terre, qui sont des biens communs essentiels à la vie et qui appartiennent à tous les citoyens.
Parmi les personnes à remercier, je pense notamment à monsieur Richard Langelier, juriste et sociologue, qui a fait un superbe travail de vulgarisation des lois et règlements encadrant la filière des hydrocarbures. Je pense également à des scientifiques, notamment messieurs Marc Durand et Marc Brullemans, pour ne nommer que ceux-là. Je pense aussi au comité de pilotage des maires et à tous ceux qui ont pris position publiquement ainsi qu’à toutes les citoyennes et citoyens qui se sont investis dans ce dossier.
Grâce à tous ces gens, la municipalité de Ristigouche-Sud-Est peut respirer un peu…, mais en retenant son souffle, car Gastem a 30 jours pour en appeler de la décision de la juge de la cour supérieure.
Et pendant ce temps, dans une autre municipalité près de chez vous, une saga se poursuit entre une compagnie de la Colombie Britannique et la ville de Grenville en Outaouais, qui refuse d’accueillir une mine à ciel ouvert. Le montant réclamé de 96 millions inclut une perte de bénéfice estimée à 50 millions de dollars. Ne reconnaît-on pas là la même stratégie d’intimidation utilisée par Gastem et encore une façon d’obliger une municipalité à céder aux appétits d’une compagnie à moins d’investir énormément de ressources tant humaines que financières pour faire valoir son droit de représenter la population et redonner aux citoyens le contrôle de leur vie.
Johanne Allard, Citoyenne
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