Que nous disent ces appels ?
La « Déclaration d’urgence climatique » décrit bien la crise actuelle :
• « augmentation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre et augmentation de la température moyenne du globe ;
• menace d’un écroulement global de l’économie mondiale
• menace pour la santé pouvant entraîner un effondrement de la population mondiale
• graves problèmes de sous-alimentation et famines
• recul de la biodiversité
• menaces à la paix et à la sécurité »
• etc
La déclaration demande de dépasser les « actions inadaptées des acteurs politiques » et la nécessité de reconnaître maintenant l’urgence de la situation et la mise en place de plans de transition. Les personnes qui ont initié cette « Déclaration » demande l’engagement des municipalités pour qu’elles reconnaissent cette situation d’urgence climatique et qu’elles fassent pression sur les autorités politiques supérieures pour qu’elles agissent le plus rapidement possible dans la lutte contre les changements climatiques.
Le « Pacte sur les changements climatiques » s’inscrit dans une même logique. L’urgence d’agir est aussi soulignée et la solution, écrit-on « passe par la volonté politique ». On fait appel à une action commune : Ensemble, citoyens et citoyennes de partout au Québec, des villes et des régions, du monde des affaires au communautaire, par-delà nos divergences politiques et en concorde avec les peuples autochtones, nous manifestons notre ferme volonté de poser les gestes qui s’imposent pour protéger le monde dans lequel nous vivons et nous diriger vers un avenir sobre en carbone ! » Chaque personne est invitée à « faire sa juste part pour réduire (ses) émissions de gaz à effet de serre » et on demande aux gouvernements qu’il soit fédéral, provincial ou municipal à « s’engager à adopter les lois et les actions forçant le respect de leurs engagements politiques face à l’environnement, ( …) , à déclencher un grand chantier d’efficacité énergétique et d’électrification du Québec, dans les transports, la mobilité durable, les bâtiments et l’industrie, de cesser à court terme toute exploration et exploitation des énergies fossiles, à abolir toutes formes de subventions aux hydrocarbures, à adopter rapidement une politique de Protection de la biodiversité et de l’aménagement du territoire... et enfin d’adopter une stratégie de la transition énergétique porteuse de justice sociale pour les travailleurs et les travailleuses... »
La « Grande marche appelée sur le thème, La Planète s’invite au Parlement vise également à mettre l’environnement au coeur des priorités du gouvernement. Le texte de l’appel à la manifestation demande à tous les paliers de gouvernement de « reconnaître l’urgence climatique et la protection de la diversité, de développer un plan climatique qui respecte les cibles exigées par le GIEC, d’interdire toute nouveau projet d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et de mettre un termes à toutes subventions aux combustibles fossiles. »
En appelant à l’unité d’action et en identifiant des revendications précises, ces appels vont favoriser une série de mobilisations qui peuvent être porteuse d’une large sensibilisation de secteurs importants de la population. C’est donc avec enthousiasme, qu’il faut répondre à ces appels et contribuer à ce qu’ils aient le plus large impact.
Les fondements du basculement climatique et leurs conséquences stratégiques ne peuvent être ignorés
Pourtant, cette urgence d’agir ne peut faire l’impasse sur l’analyse des fondements de cette situation et sur l’identification des obstacles que cette lutte rencontrera pour parvenir à ses fins. La particularité de ces appels, c’est que les causes systémiques de la crise climatique ne sont pas explicitées.
Il est largement admis que cette situation est le résultat de l’activité humaine. Mais, ce ne sont pas n’importe quelles activités humaines qui provoquent les grands bouleversements climatiques que nous connaissons. Ce ne sont pas les activités humaines des sociétés autochtones du passé vivant de la chasse et de la pêche ou de l’agriculture et de la production artisanale. Ce sont les activités humaines liées au développement du capitalisme au cours du XXe siècle et du siècle actuel.
Dans le monde contemporain, le moteur principal des destructions est le système capitaliste moderne construit comme un système de production de masse de marchandises sur une base toujours élargie, toujours croissante. Pour assurer cette production massive, il a développé des stratégies d’extraction des richesses naturelles et d’exploitation généralisée d’hydrocarbures (charbon, pétrole, gaz naturel). La consommation des hydrocarbures rejette des quantités importantes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et favorise le réchauffement de la planète. Le capitalisme contemporain a bâti un complexe autopétrole qui s’est avéré extrêmement destructeur. La fabrication de millions de voitures individuelles a été un vecteur d’un gaspillage généralisé des ressources et de pollution. L’industrie automobile a été le champ d’une concurrence féroce qui a mené à une centralisation considérable du capital dans les mains de quelques compagnies multinationales très puissantes. Cette concurrence a mené à l’installation de capacités de production excédentaires et à la mise en place de stratégies pour faciliter l’écoulement de la production le plus rapidement possible (obsolescence planifiée, publicité envahissante, facilitation du financement à l’achat, destruction ou marginalisation de l’importance des moyens de transport collectif).
Les multinationales du pétrole et du gaz, du charbon, de l’automobile, de l’armement ou de l’agriculture adossées à un capital financier ont imposé leur domination sur les choix de production et les modes de consommation, sur les types de rapports à établir avec la nature. C’est bien le capitalisme et ses logiques destructrices qui sont à l’origine du réchauffement climatique.
Dans la dernière décennie, l’exploitation pétrolière et gazière s’est poursuivie. À l’échelle planétaire, l’utilisation des énergies fossiles se fait de plus en plus importante, dans les pays émergents et particulièrement en Chine. À cette époque néolibérale et de libre-échange, les capitaux se déplacent plus librement que jamais pour exploiter les hydrocarbures. Les capitaux investissent dans la déforestation pour développer des grandes monocultures, au mépris de l’agriculture vivrière, destinées à produire des biocarburants. Les méthodes de l’agrobusiness capitaliste ont contribué et contribuent encore à un recul majeur de la biodiversité.
S’il est important d’interpeller les gouvernements et de dénoncer leur complicité avec le système, il faut comprendre que les partis des gouvernements en place sont des partis construits pour la défense des intérêts des classes dominantes, et qu’ils ne se convertiront pas à des politiques vertes qui les amèneraient à se heurter aux intérêts des représentant-e-s de l’oligarchie qui domine la planète. On ne peut ignorer la question du pouvoir et de la politique. La construction de partis politiques représentant la majorité populaire est une tâche incontournable de la lutte aux changements climatiques.
Depuis des décennies déjà, des scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme et ces gouvernements ont prétendu vouloir remédier à la situation. Ils ont même tenu des sommets, où ils se sont engagés à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mais, ces émissions n’ont pas réellement reculé. Elles ont progressé. Les gouvernements des pays dominants se sont contentés de discours mensongers et ils continuent de soutenir le capital fossile. Le capital financier international, les banques comme JP Morgan, Chase, Citigroup, Bank of America et Barclays ont continué d’investir pour soutenir les grandes entreprises pétrolières et charbonnières. Les accords de Paris, qui n’étaient pas contraignants, n’ont pas été respectés. Les États-Unis de Trump s’en sont retirés. Les dirigeants des pays du G7 n’ont pas l’intention de s’attaquer réellement aux causes du réchauffement climatique en interdisant l’extraction de pétrole et en imposant que la majorité des réserves pétrolières restent dans le sol.
L’irresponsabilité des gouvernements du Canada et du Québec
Au Canada, l’exploitation des hydrocarbures est un champ d’accumulation de capitaux de plus en plus important. L’exploitation du pétrole tiré des sables bitumineux continue d’augmenter. Les investissements dans la construction de pipelines sont subventionnés par le gouvernement Trudeau qui est allé jusqu’à acheter un pipeline pour s’assurer de sa construction. Au Québec, les gouvernements Charest, Marois et Couillard se sont montrés ouverts au projet de transformer le Canada en État pétrolier et ont parié sur l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière du territoire. Même des institutions comme la Caisse de dépôt et placement ou le Mouvement Desjardins investissent dans l’exploitation des sables bitumineux. Ces institutions sont prêtes à nous servir des discours verts, mais il semble que là où forer peut permettre de leur procurer des revenus importants, elles s’avèrent incapables de résister à l’appât du gain.
Contre la fausse solution du verdissement du capitalisme, un tournant radical est nécessaire
Pour résoudre la crise écologie, il ne suffit pas d’opérer un certain nombre de changements techniques. Il faut rompre avec le productivisme capitaliste qui cherche à utiliser de plus en plus de ressources, à étendre les marchés, à produire plus pour vendre plus. Les entreprises automobiles peuvent bien se lancer dans la production de voitures électriques. Leur but c’est d’élargir le parc automobile, de produire plus pour vendre plus et d’engranger plus de profits. Pour ce faire dans les dernières décennies, ces entreprises n’ont pas hésité à tenter de marginaliser le transport public. Rompre avec le productivisme capitaliste, c’est essentiel pour tenir compte de l’épuisement des ressources minières, forestières, énergétiques et la perte de la biodiversité.
Oui, l’économie peut être refondée autour de préoccupations écologiques, refondation pouvant créer nombre d’emplois et d’activités au service d’un cadre de vie soutenable pour l’humanité. Mais cela suppose que la classe dominante ne doit plus conserver le pouvoir effectif de décider des productions sur la base de la seule rentabilité et de ses intérêts privés.
Il n’y aura donc pas d’avancée écologique décisive sans l’abolition du pouvoir exorbitant dévolu aux gestionnaires de capitaux, sans remise en question du pouvoir des actionnaires et sans la remise en question du pouvoir des politicien-ne-s à leur service ; en somme, sans en finir avec le primat des intérêts privés sur ceux de la majorité populaire dans notre société. La transition écologique ne peut se faire que par une planification écologique décentralisée basée sur la démocratie économique où le peuple a un pouvoir de décision véritable. Or, la propriété sociale des ressources et des moyens de production est une condition essentielle de cette démocratie économique.
Un message, un commentaire ?