Édition du 24 septembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Logements

Où loge l'entraide ?

Il est de croyance populaire de penser que la crise du logement actuelle se cantonne uniquement dans les grands centres comme Montréal ou Québec. Dans ma ville, Saint-Jérôme, ses effets se font grandement sentir avec une itinérance plus visible et c’est dans ce contexte que j’ai découvert, à la suite de discussions avec des amis, un organisme qui vient en aide aux locataires et aux assistés sociaux en ces temps difficiles. Étant plutôt
conscientisé aux causes sociales, j’ai décidé alors de cogner à sa porte et j’ai été accueilli chaleureusement par Monique Côté, une femme engagée qui est aussi intervenante au Carrefour d’Actions Populaires.

L’organisme, localisé dans le centre-ville de Saint-Jérôme, fondé à l’origine par Dolores Léger, sœur du Bon Conseil, célébrera sa 35e année d’opération le 25 septembre prochain. Bien qu’au départ, il s’occupe surtout à briser l’isolement avec des ateliers, la défense des droits et une cuisine communautaire, l’OBNL se voue désormais à donner des ateliers d’information et des rencontres individuelles aux locataires ainsi qu’aux assistés sociaux en leur faisant connaître leurs droits, en les rendant plus autonomes et en les appuyant dans la préparation de leurs dossiers en rapport à l’aide sociale ou au logement.

L’intervenante me racontait que les appels pour des demandes d’aide sont passés, dans la MRC de La Rivière-du-Nord, de 700 par année avant la pandémie à plus de 1400 l’année dernière ! Ainsi, 90 % des demandes concernaient des cas de « rénoviction », de reprises de logement, d’insalubrité ou de hausses injustifiées du loyer qui n’étaient pas en conformité avec la Loi et qui aboutissaient donc devant le Tribunal administratif du logement (anciennement la Régie du logement).

Madame Côté en a vu de toutes les couleurs au fil des années, des locataires démunis au bord des larmes ou même des ménages entiers jetés à la rue, qui n’avaient pas les moyens financiers de se payer un avocat pour se défendre ou qui n’ont simplement pas les outils pour comprendre leurs droits et cela à un tel point que 80 % acceptent l’éviction au lieu de se battre par crainte de subir le harcèlement de leurs propriétaires.

La Loi devrait être modifiée, affirme Madame Côté, pas seulement subir un moratoire de trois ans sur les évictions comme vient de le décréter le gouvernement, car l’ensemble de la Loi sur le Tribunal administratif du logement facilite les évictions en raison de rénovations, de subdivisions et agrandissements des logements ou encore de changements d’affectation tel que les « Airbnb », donnant ainsi la possibilité aux propriétaires de changer de locataires tout en augmentant le prix du loyer par la suite
selon les aléas du marché. Une autre possibilité légale pour le propriétaire est d’accueillir dans le logement un parent proche, sa mère ou son père par exemple, et de la sorte évincer l’ancien locataire.

Cependant, quelques propriétaires informent leurs locataires de ce genre de projets pour les obliger à déménager, mais une fois la chose faite, ne débutent pas leurs projets ! Le cas le plus patent fut celui d’une dame âgée qui a quitté son logement après avoir été informée par son propriétaire de son intention d’accueillir un membre de sa famille dans le
logement. Par contre, la dame a constaté, quelques jours plus tard, que son logement était disponible dans les petites annonces sur internet avec une hausse substantielle du loyer ! Bien que la majorité des propriétaires soient honnêtes, ce genre de dossiers ne constitue pas une exception, selon l’intervenante du CAP.

Un autre défaut de la Loi, de dire Madame Côté, est que le fardeau de la preuve revient toujours au locataire, qui doit alors mettre toutes ses énergies et parfois débourser de ses poches souvent bien peu garnies pour mettre en demeure le propriétaire et éventuellement le poursuivre au Tribunal administratif du logement, ce qui constitue, selon elle, une grande injustice.

Malgré tous ces besoins sociaux, l’organisme du Carrefour d’Actions Populaires est en difficulté. Le financement, que cela soit du gouvernement ou des dons individuels, n’est pas à la hauteur de la demande de service grandissante au CAP, un peu comme tous les organismes communautaires au Québec. Les soupes populaires, par exemple, ont aussi de la difficulté à assurer leur pérennité.

Mais le véritable problème portant atteinte à la survie du CAP réside dans le manque de relève comme nous pouvons le constater dans plusieurs autres sphères d’activité. Phénomène qui peut probablement être observable dans tout autre organisme communautaire du genre au Québec. En effet, l’âge moyen des membres (réguliers ou sympathisants) est plutôt élevé, ce qui accentue la nécessité d’une prise de conscience collective pour réunir de nouveaux adhérents à la cause et c’est précisément le but de cette lettre ouverte à l’approche du 1er juillet et de la saison des déménagements. Même
un nouveau site internet a été créé récemment afin de faire connaître encore plus le CAP et de donner aussi la possibilité aux personnes intéressées de devenir gratuitement membres sympathisants en quelques clics.

Évidemment, les récentes annonces de construction de logements sociaux et l’établissement du moratoire temporaire de trois années sur les évictions (sauf en cas de reprise de logement par un membre de la famille du propriétaire) donnent un répit aux locataires. Toutefois, les effets de ces nouvelles mesures risquent de prendre du temps avant d’être ressentis, un temps que plusieurs personnes évincées n’ont pas… ce qui démontre davantage la pertinence de l’existence d’organismes au Québec comme le Carrefour d’Actions Populaires à l’approche de cette nouvelle période de déménagements dans laquelle on se demande bien, parfois, où loge l’entraide ?

Pour rejoindre l’organisme
https://carrefouractionspopulaires.org/

Jimmy St-Gelais, membre sympathisant

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