Le premier a trait à l’épisode où QS aurait envisagé de bannir le mot « patrimoine ». Effectivement, une instance du parti a présenté une proposition au congrès de décembre 2017 visant à remplacer ce mot par ‘héritage culturel’. Mais il n’a jamais été question de le bannir. Quoiqu’il en soit le congrès ne l’a pas retenue en disposant après quelques minutes de débat seulement. Je peux en témoigner car j’étais sur place à ce moment-là. Dans les jours précédents, cette proposition avait pourtant été jugée sérieuse par la ministre libérale Hélène David qui avait déclaré qu’elle méritait d’être discutée. Cela n’a pas empêché plusieurs médias d’en faire leurs choux gras avant et après le congrès limitant leur couverture de l’évènement à cette question qui s’inscrivait parmi des centaines d’autres propositions. Ils ont ainsi occulté les sujets pour lesquelles ces assises avaient été convoquées : la fusion avec Option nationale et l’élaboration de la plateforme électorale.
La deuxième porte sur le refus par Québec solidaire de ce qu’on a appelé la ‘convergence’ avec le Parti québécois qui était en réalité une offre faite par le chef péquiste Jean-François Lisée de conclure des pactes électoraux afin de permettre au PQ de reprendre le pouvoir en 2018. Cette proposition a été rejetée massivement par le congrès que le parti a tenu en mai 2017 ; et ce pour plusieurs raisons.
Sur le plan stratégique d’abord, QS n’aurait pas retiré d’avantages d’une alliance électorale de ce type car il aurait dû renoncer notamment à faire acte de candidature dans les deux circonscriptions où il a les meilleures chances de faire des gains qui sont représentées maintenant par des députés péquistes, soit Maisonneuve où il est en avance dans les sondages depuis plusieurs mois et Rosemont où la lutte avec le chef péquiste est serrée.
On estime également qu’une telle alliance aurait mis en péril la vie du parti. En effet, QS n’aurait pas pu faire acte de candidature dans les 30 circonscriptions péquistes actuelles. De plus, il aurait du en céder de 20 à 30 autres, où les majorités libérales ou caquistes ont été les moins élevées en 2014, pour permettre au PQ de former un gouvernement majoritaire. Sauf Laurier-Dorion, il ne serait donc resté à QS que des circonscriptions pratiquement imprenables. Ainsi, le parti se serait vite disloqué pour être absorbé par le PQ. Et on ose se scandaliser parce que les délégués au congrès de QS ne sont pas tombés dans un tel piège à ours !
Le néolibéralisme et la politique identitaire
Des raisons plus fondamentales encore ont incité Québec solidaire à ne pas mordre à l’hameçon péquiste. Le parti, issu d’une démarche d’unification de la gauche politique remontant à 1995, se voit avant tout comme l’alternative aux politiques néolibérales pratiquées depuis 30 ans au Québec aussi bien par les gouvernements péquistes que libéraux que par un éventuel gouvernement caquiste. Il ne faut pas oublier non plus que Lisée a été un des principaux promoteurs de l’accord de libre-échange canado-européen qui est un des fruits les plus pervers du néolibéralisme.
L’autre principal point de rupture d’avec le PQ est le
virage identitaire que ce dernier a pris pour ne pas se faire couper l’herbe sous les pieds par la CAQ. On a constaté comment sont profondes les cicatrices laissées par la charte des valeurs du gouvernement Marois. Mais depuis qu’il est chef Lisée a continué à jouer la même carte identitaire allant jusqu’à vouloir interdire le port de signes religieux pour les enseignant-e-s. Il s’est même prononcé en faveur d’une loi éventuelle ramenant les principaux éléments de la charte de 2014. Heureusement, les membres de son caucus l’ont rappelé à l’ordre.
La mobilisation laisse prévoir une remontée des sondages
Dans sa chronique, M. Villeneuve signale également que Québec solidaire plafonne dans les sondages après avoir connu une embellie après l’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois. Mais plusieurs indices laissent prévoir une remontée significative d’ici la fin de la campagne électorale.
Ainsi, au chapitre de la mobilisation, quelque 2 500 sympathisant-e-s ont participé, ce printemps, aux quatre rassemblements que Québec solidaire a tenus à Sherbrooke, Rouyn-Noranda, Québec et Montréal. C’est tout un exploit car aucun des trois autres partis n’a organisé d’assemblées de masse jusqu’ici. Pourtant les médias ont très peu diffusé de nouvelles à ce sujet.
Jusqu’ici, les associations locales de circonscriptions de Québec solidaire ont choisi plus de 110 des 125 candidates et candidats qui brigueront les suffrages. Leur choix s’est fait lors d’assemblées d’investiture auxquelles, estime-t-on, plus de 4 000 membres et sympathisant-e-s ont participé. Sur le plan démocratique c’est donc bien différent de la CAQ et du Parti libéral où les candidat-e-s sont désigné-e-s par le chef sans que les membres du parti n’aient leur mot à dire. De plus, seul QS atteindra pour une cinquième élection consécutive la parité masculine-féminine parmi ses candidat.e.s.
Il s’est également tenu de nombreuses assemblées générales au niveau des circonscriptions au cours des derniers mois. On peut donc estimer qu’en additionnant ces trois types de réunions (rassemblements, assemblées de mises en candidature, assemblées générales) on atteint un total de quelque 6 000 participant-e-s ; ce qu’aucun autre parti n’a réussi à faire.
Paul Cliche, membre de Québec solidaire,
Montréal, 15 juillet 2018
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