Publié par A l’encontre le 13 - octobre - 2017 | traduction À l’encontre
Lors du plénum du 10 octobre dernier, nous avons déclaré que la CUP-CC n’est pas un acteur principal de l’histoire de notre pays. En revanche, les gens le sont. Les gens avec des majuscules car nous autres, lorsque nous parlons de gens, nous pensons et faisons référence aux centaines de milliers de personnes qui ont défendu leurs collègues face à la violence déployée par l’occupation militaire et policière. Aux centaines de personnes qui seront frappées, blessés, humiliées et effrayés par l’intervention brutale de la Police nationale et de la Guardia civil. Les gens sont, également, ceux qui sont allés voter car ils en avaient l’intention ; ceux qui ont voté Oui et ceux qui ont voté Non ; mais aussi ceux qui ne l’ont pas fait par crainte. Les gens sont ceux qui se débattent tous les jours pour survivre dans la précarité et la pauvreté.
Cela fait longtemps que nous parlons du pays brisé qui est le nôtre, de la nécessité de disposer de toutes les ressources existantes et de celles que l’on pourrait obtenir grâce à une meilleure distribution de la richesse afin de faire face à l’urgence sociale. Pour cette raison, les gens sont ceux qui, le 3 octobre dernier, ont arrêté le pays lors d’une Grève générale massive, sans précédent, une masse débordante qui est descendue dans les rues pour condamner la régression alarmante des droits et des libertés.
Les gens sont la seule structure solide dont dispose ce pays en l’absence de soutiens explicites sur le plan international, en l’absence d’un tissu productif enraciné et ayant une conscience de pays (malgré l’exception honorable et croissante de l’économie sociale et coopérative), ainsi qu’en l’absence de richesses naturelles qui nous permettrait de nous situer différemment dans le cadre de la géopolitique internationale. Notre force réside dans les gens et leurs besoins, les gens et leurs espérances.
Nous ne pouvons espérer de soutiens explicites si nous ne maintenons pas fermement l’objectif de nous autodéterminer. Il est possible que certains réalisent à présent que le transfert de secteurs économiques stratégiques [allusion au déplacement hors de Catalogne du siège social de banques et d’entreprises importantes] en mains privées (sur lequel un accent a été mis durant trop d’années par ceux qui se disent souverainistes et, même, de gauche) n’est pas la meilleure option pour quiconque souhaite l’autogouvernement. Sans doute savons-nous désormais qu’il y a longtemps que nous aurions dû travailler en direction d’une Banque publique, pour un pays d’égalité ainsi que pour un secteur public fort et à même de soutenir les menaces d’un Etat espagnol prêt à tout, à ce qui semble. Lorsque nous parlons d’un dépassement du régime de 1978, nous parlons aussi d’aller au-delà des sous-régimes de 1978 : comme le régime bancaire de 1978 – La Caixa, Banc Sabadell [deux banques qui ont déplacé leur siège social hors de Catalogne] –, celui-là même qui va transformer en banques les caisses qui leur faisaient de l’ombre (n’est-ce pas, Fainé [2] ?).
Pour ces raisons, entre autres, il était – et cela le reste – absolument nécessaire de proclamer la République. Car il s’agit là du mandat des plus de deux millions de personnes qui, malgré l’offensive menaçante judiciaire et répressive de l’Etat, ont affirmé un Oui à l’indépendance. Plus de deux millions de personnes qui font que nous sommes déjà République… C’est aussi nécessaire afin de démontrer à tous ceux qui n’en sont pas partisans, ou qui ne prennent pas position, que la République ouvre les portes d’une amélioration des droits civils, politiques, économiques et culturels.
La CUP-CC considère qu’une opportunité a été perdue le 10 octobre dernier mais, surtout, au vu de la position immédiate de l’Etat, nous ne comprenons pas que la réponse à la requête du président Rajoy ne se situe pas dans les termes du mandat populaire que vous avez assumé mardi dernier (grève générale) : celui du respect de l’exercice du droit à l’autodétermination tel qu’il s’est exprimé dans les urnes qui, le 1er octobre, ont souffert. Ce n’est que par la proclamation de la République que nous serons à même de respecter ce que la majorité a exprimé dans les urnes. Ce n’est qu’en proclamant la République que nous serons à même d’être un acteur disposé à garantir les droits civils et politiques de la population qui sont toujours gravement menacés. Ce n’est qu’avec la République que nous pouvons faire naître des espérances inexistantes au sein de l’Etat espagnol des autonomies, non seulement pour les Catalans du Principat [du XII au XVIIIe siècle ; en 1716 s’affirme le pouvoir des Bourbons], mais aussi pour l’ensemble des Pays catalans et le reste des peuples de l’Etat. C’est seulement ainsi que nous pourrons faire en sorte que l’intervention des acteurs internationaux se fasse sur la base d’une reconnaissance en tant que sujet politique.
Répondre autrement à la requête du président Rajoy supposerait avaliser toute et chacune de ses menaces, son mépris et sa répression et cela supposerait retourner à la légalité constitutionnelle espagnole avec lequel la majorité sociale a décidé de rompre. L’Etat, son pouvoir judiciaire, son pouvoir militaire et policier ainsi que, surtout, les partis politiques qui, au cours des derniers jours, se sont montrés absolument opposés au droit à l’autodétermination, constituent une majorité renforcée au Congrès espagnol et nieront encore nos droits et libertés, sous le couvert d’une Constitution espagnole délégitimée et en sachant qu’ils ont les pouvoirs économiques et l’UE de leur côté.
Nous n’avons certainement pas de grands pouvoirs économiques, l’Union européenne n’est pas non plus disposée à admettre que le droit à l’autodétermination est un droit fondamental des peuples. Mais il n’est pas moins vrai qu’en restant immobiles face à leurs menaces, à leurs refus et à leur autorité ne nous permettra pas d’exister comme peuple, ne nous permettra pas de nous gouverner et ne nous permettra pas non plus d’avancer vers l’obtention d’un plus grand nombre de droits et de libertés. Cela nous conduira à les perdre. En définitive, faire ce que recommande le pouvoir (lui aussi avec majuscules) ne permettra pas que les gens restent l’acteur principal de l’histoire de ce pays.
Nous sommes convaincus que la réponse aux exigences de l’Etat doit être claire : si la médiation internationale implique de soutenir le déploiement policier et militaire, de devoir répondre devant les tribunaux d’accusations très graves, impliquant des peines élevées de prison et des amendes impayables ; si la médiation suppose de tolérer qu’il y ait eu plus de 900 personnes blessées du seul fait qu’elles voulaient voter et, en échange, que la seule demande adressée à l’Etat soit qu’il ait un rapport au Congrès pour apprécier la possibilité d’une réforme de la Constitution espagnole, sans aucune garantie que cela fasse naître de nouveaux cadres de respect des droits civils et politiques, ainsi que ceux des minorités ; s’il en va ainsi, si la médiation internationale sert à cette fin, nous pouvons déjà considérer que l’espoir en cette médiation internationale est condamné.
S’ils prétendent continuer dans l’application– alors que les exigences formelles sont déjà remplies – des dispositions de l’article 155 de la Constitution espagnole, et qu’ils souhaitent continuer de nous menacer et de nous bâillonner, qu’ils le fassent avec une République déjà proclamée. Par bonheur, nous continuerons sans soutien des marchés et des Etats, nous continuerons sans grandes richesses naturelles et sans que des pouvoirs économiques nous apportent du soutien, mais nous le ferons avec les gens et avec leurs espérances ainsi qu’avec leur dignité
Pour la république catalane, la république des gens !
Cordialement,
CANDIDATURA D’UNITAT POPULAR-CRIDA CONSTITUENT
Un message, un commentaire ?