Édition du 17 décembre 2024

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Santé

À qui la faute M. Barette ? (1)

Le Québec s’émeut du témoignage de la jeune infirmière Émilie Ricard, le deuxième en moins d’une semaine, alors que des infirmières font des sit-in de protestation contre les mauvaises conditions dans lesquelles elles doivent soigner.

tiré de : MON ŒIL !... La chronique du coordonnateur de la Coalition solidarité santé m/ Édition du 5 février 2018

Pour lire la deuxième partie.

Pour lire la troisième partie.

Ces femmes courageuses dénoncent l’impact de la situation sur leur santé physique et mentale, mais aussi, et beaucoup, les conséquences que cela peut entraîner sur les malades qui, ultimement, en écopent en n’ayant pas les soins et services auxquels ils et elles ont droit, des soins et services dont ils et elles ont besoin pour maintenir ou recouvrer leur santé.

Des besoins ?... Voici ce qu’en a dit le premier ministre Couillard : « Le système, par définition, ne peut pas répondre à tous les besoins, les ressources étant limitées dans le cadre de besoins presque infinis » ! Ainsi donc, notre système public de Santé et de Services sociaux (SSS) ne cherchera plus à répondre à nos besoins : on devra se contenter de ce qu’on y trouvera, ou alors aller chercher réponse au privé moyennant un « léger supplément ».

Pourtant, les soins et services doivent se donner dans un climat de confiance, où on se sent en sécurité, où on ne ressent pas la nervosité d’un personnel pressé et stressé, où on n’a pas l’impression d’être sur une chaîne de montage. Je l’ai déjà écrit : soigner, c’est prendre le temps !

Ce que dénoncent ouvertement les infirmières n’est qu’un des problèmes vécus par les différentes composantes du réseau public, une situation qui découle des réformes du ministre Barrette.

Évidemment, MM. Barrette et Couillard préfèrent reporter sur les épaules du personnel soignant les causes des dérapages actuels, pour tenter de faire oublier qu’en commission parlementaire sur le projet de loi (PL) 10, des intervenant.e.s de tous les milieux avaient mis en garde contre les effets qu’auraient les fusions à grande échelle des établissements de SSS.

Voici des extraits de mémoires présentés en commission parlementaire en novembre 2014.

"... La fusion de l’ensemble des établissements en une instance régionale désignée « Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) » a davantage pour effet de créer une superstructure régionale que d’accroître l’autonomie et la marge de manoeuvre de chacun des établissements de santé. Ce n’est donc plus le palier régional que l’on abolit, mais bien le palier local qu’on attaque.[...] Nous croyons qu’une réorganisation d’une telle envergure pourrait engendrer des bouleversements importants et des effets davantage négatifs que positifs. Les avantages ne seront constatés qu’après de nombreuses années d’instabilité et de sous-performance ; peut-on se le permettre dans l’état actuel du système de santé où les livrables sont requis maintenant ?" - FÉDÉRATION DES MÉDECINS SPÉCIALISTES DU QUÉBEC - FMSQ (mémoire)

"Sur le plan du bien-fondé, l’analyse des connaissances disponibles indique de manière très claire que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne permettra pas d’atteindre les objectifs qu’il affirme poursuivre. En particulier, aucune donnée crédible ne permet de croire que les fusions administratives à grande échelle telles que celles proposées dans le projet de loi n°10 produisent une amélioration de l’accessibilité, de la qualité ou de l’efficience. Sur le plan du cout d’opportunité, les demandes que la mise en oeuvre du projet de loi va créer dans l’ensemble de l’appareil administratif sont majeures. Si le gouvernement va de l’avant avec ce projet de loi, il se prive de fait de la capacité d’intervenir à court et moyen termes sur d’autres problématiques ou en utilisant d’autres leviers. Les connaissances disponibles indiquent que plusieurs leviers d’intervention qui ne sont pas mobilisés dans le projet de loi n°10 ont un potentiel largement supérieur.[...] Le projet de loi n°10 tel qu’il existe actuellement est en contradiction avec la quasi-totalité des preuves disponibles." - DAMIEN CONTANDRIOPOULOS, CHERCHEUR À L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL (mémoire) :

"... la question de l’accessibilité aux soins et services. La fusion d’établissements ne suffit pas à elle seule à résoudre ce problème. L’expérience des fusions de 2003 constitue un exemple peu rassurant à cet égard. Onze ans après cette première importante réforme, l’accessibilité aux soins demeure inacceptable pour les salles d’urgence, les soins de longue durée, les soins en santé mentale, les services en déficience intellectuelle et bien d’autres. La réforme des structures a peu d’impact sur l’accessibilité. Fusionner ensemble un grand nombre d’établissements dont beaucoup de services sont déjà peu accessibles ne réglera pas le problème. Encore faut-il que tous les centres de services des nouveaux établissements apprennent à travailler ensemble. Le risque de l’hospitalo-centrisme est très élevé et le projet de loi ne comporte pas vraiment de mesures pour assurer un équilibre entre les différentes missions des CISSS." - Me JEAN-PIERRE MÉNARD, AVOCAT (lettre au ministre)

"...Cette restructuration des services de protection de la jeunesse engendrera vraisemblablement des impacts négatifs sur les taux de signalements et sur le nombre d’évaluations des situations soupçonnées d’abus ou de négligence envers les enfants qui devront être réalisées, sans pour autant favoriser l’atteinte des objectifs escomptés par le projet de loi, soit l’optimisation budgétaire, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ou encore, l’accroissement de l’efficience et de l’efficacité du réseau. [...] les économies attendues sont, à notre avis, peu probables au regard des données de recherches récentes sur l’efficacité des systèmes de protection de la jeunesse." - DR NICO TROCMÉ ET AUTRES CHERCHEURS, ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL, UNIVERSITÉ MCGILL (mémoire)

"La croisade qui s’engage dans les prochaines années sur les débats de structures laisse en plan les vrais besoins des citoyens et citoyennes, dans le but d’atteindre un résultat incertain. Nous doutons qu’il y ait des économies et que le nombre de gestionnaires soit en baisse dans l’ensemble du réseau. Il va y avoir une baisse de gestionnaires régionaux, mais pas une baisse de gestionnaires dans le réseau. [...] L’offre de services aux Nord-Côtiers et aux Nord-Côtières exige une excellente connaissance des particularités de chaque milieu et une grande capacité d’adaptation. Le regroupement de tous les établissements sous une même gouverne et la disparition de l’Agence régionale de la santé et des services sociaux nous apparaissent comme une perte irréparable au plan de l’expertise et des ressources, dans une région qui doit composer quotidiennement avec la rareté et les difficultés d’accès aux services.

[...] L’expérience des fusions réalisées jusqu’à maintenant nous a démontré que les démarches administratives, l’uniformisation des processus, la refonte de l’équipe de gestion, le nouveau partage des responsabilités, l’arbitrage des insatisfactions, la gestion des conflits, le partage de l’expertise sur les besoins et particularités locales ainsi que la constitution de nouvelles équipes de travail souvent éclatées sur le territoire mobiliseront toutes les énergies pendant plusieurs mois, voire des années." - CONFÉRENCE RÉGIONALE DES ÉLUS DE LA CÔTE-NORD - CRÉCN (mémoire)

Médecins, chercheurs, avocats de la santé, universitaires, élus…

Je vous rappelle aussi la réponse du ministre :

« Je n’ai pas besoin de faire d’études puis de consultations, là, je vis ça tous les jours. Pas besoin, moi, là, de grandes conférences cosmiques, là, de « whatever », là, pour me faire dire par David Levine, ou Pierre-André Contandriopoulos, son fils, ou sa belle-fille qu’est-ce qui ne marche pas dans le service de santé. »

Dans une prochaine chronique, d’autres intervenant.e.s.

Jacques Benoit.

Jacques Benoit

Coordonnateur de la Coalition solidarité santé 2013-2019
GMob (GroupMobilisation) 2019-

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