Édition du 7 mai 2024

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Québec solidaire

8 raisons de choisir l’option B sur la défense nationale

Argumentaire du Collectif Option nationale

Notre travail d’ici 2022 doit être de convaincre le Québec que nous sommes prêtes et prêts à prendre le pouvoir et à faire du Québec un pays. Cela suppose de faire preuve de responsabilité dans nos prises de position et de chercher un juste arbitrage entre nos valeurs, nos aspirations, et ce qu’il est possible de faire dans le monde dans lequel nous vivons. L’avènement d’un nouveau pays anti-colonial et non interventionniste en Amérique du Nord sera déjà une belle révolution qui nous demandera des efforts colossaux, mais l’adoption d’une position anti-militariste mur à mur et sans nuance risque fort de nous soutirer les appuis nécessaires pour faire advenir notre projet déjà bien radical.

Les États-Unis ne laisseront pas un territoire voisin démilitarisé

Les États-Unis ne laisseront pas un large territoire au nord de leur frontière se dépouiller de toutes ses forces de défense conventionnelles, laissant ainsi la porte grande ouverte pour une invasion étrangère qui pourrait se rendre sans difficulté aux portes du territoire étasunien. Les États-Unis ne laisseront surtout pas non plus un espace aérien sans défense à leur frontière nord, à une heure d’avion de Boston et New York. L’option A semble en effet prévoir abandonner toute forme de défense aérienne et maritime du territoire en plus de tout l’appareillage de radars et de satellites qui rendent possible la détection d’intrusions. Comment alors empêcher que le Québec, avec seulement ses communautés formées à une « défense civile non violente », ne devienne une voie de passage pour des attaques aériennes ou autres vers les États-Unis ?

Placés devant cette menace, il est probable que les États-Unis décident d’occuper militairement eux-mêmes le territoire du Québec avant que d’autres puissances étrangères ne le fassent. La question n’est donc pas de déterminer si le Québec devrait ou non se démilitariser – c’est à toutes fins pratiques impossible – mais plutôt de déterminer qui occupera militairement le territoire du Québec : une force défensive québécoise ou l’armée américaine ?

La sécurité mondiale ne peut être garantie en contexte de crise écologique

Les 7 dernières décennies de relative paix entre les grandes puissances mondiales peuvent laisser l’impression que le Québec est de toute manière relativement à l’abri d’une implication dans un conflit potentiel. Or, la crise écologique et la montée en puissance de pays susceptibles de rivaliser avec les États-Unis comme la Chine risquent de créer énormément d’instabilité, ce qui rendra d’autant plus nécessaire la présence d’une force défensive dans un contexte de tensions exacerbées autour de ressources qui se raréfient, de crises migratoires qui s’intensifient, de luttes de pouvoir entre grandes puissances et du retour à un monde divisé en sphères d’influence.

Seule une armée structurée peut dissuader des envahisseurs

Le Québec ne pourra pas vaincre les grandes puissances, même s’il a une armée. C’est vrai. Mais il n’a pas besoin de pouvoir les vaincre ; seulement de les dissuader d’envahir, c’est-à-dire de faire augmenter juste assez le coût perçu d’une invasion militaire pour qu’elle n’en vaille pas la peine. Seule la présence d’une force armée conventionnelle, aussi limitée soit-elle, est en mesure de procurer cet effet dissuasif.

L’effet dissuasif souhaité par l’option A ne fonctionne que si l’envahisseur potentiel est convaincu que ce soulèvement de masse se produira ; or, il pourra raisonnablement avoir des doutes sur le nombre de personnes qui participeront réellement à cette résistance, et sur l’efficacité réelle de celle-ci surtout si elle est strictement non violente. Il y a fort à parier qu’un envahisseur potentiel risque plutôt de voir un territoire sans défense, et de miser sur les tactiques habituelles de contrôle des masses (corruption, police secrète, intimidation par la présence militaire et persécution des rebelles) pour écraser la résistance si elle se produit.

Miser sur le soulèvement populaire en cas de crise est un pari risqué

En misant sur une « action citoyenne massive de la population » et sur une « défense civile non violente » pour créer un effet dissuasif, l’option A fait le pari risqué qu’un gouvernement de Québec solidaire saura convaincre la population québécoise d’embarquer massivement dans une résistance organisée d’avance en cas d’invasion. Il est peu réaliste de penser qu’un nombre suffisant de Québécoises et de Québécois appuieront ces efforts et accepteront d’investir le temps et l’énergie nécessaires pour suivre une éventuelle formation en « défense civile non violente », surtout de manière bénévole.

L’option A semble supposer que le peuple québécois se soulèvera automatiquement sous l’impulsion de la stratégie gouvernementale ; rien n’est moins sûr. L’option A semble aussi considérer le peuple québécois comme un seul bloc monolithique, exempt de dissensions, qui soutiendra massivement la politique du gouvernement de Québec solidaire et qui fera confiance en bloc à sa nouvelle stratégie de défense pour le moins non-conventionnelle et inusitée. Serons-nous vraiment en mesure de convaincre la population québécoise de nous faire confiance au gouvernement si nous leur proposons de prendre un aussi gros risque avec quelque chose d’aussi important que leur sécurité ?

La résistance civile est une réaction contre un gouvernement en place, pas une stratégie de défense contre une puissance étrangère

Les exemples historiques montrent que la résistance civile est un phénomène qui s’opère presque toujours par des cellules autonomes s’organisant d’elles-mêmes spontanément en réponse à une occupation, un coup d’État ou lors d’un mouvement révolutionnaire. La résistance est une réaction, pas une stratégie de défense. Une stratégie strictement axée sur la résistance civile expose la population aux conséquences d’une occupation rendue plus facile par l’absence d’une force de défense.

Il est parfaitement possible de s’opposer à l’interventionnisme militaire sans abolir l’armée

Est-il vraiment nécessaire d’abolir toute forme d’armée pour s’opposer à l’impérialisme, à l’interventionnisme militaire et pour garantir la paix ? En s’opposant à la moindre existence d’une armée réduite, neutre et confinée à un strict rôle de défense, l’option A semble postuler que c’est l’existence de l’armée elle-même qui est le problème. Certes, les forces armées actuelles doivent être réformées pour mettre un terme à la culture toxique qui y sévit, mais sont-elles vraiment irréformables ? Est-il vraiment moins réaliste de réformer l’armée que de l’abolir complètement et espérer que les puissances impérialistes étrangères ne nous attaquent pas, par crainte des manifestations et des sit-ins auxquels nous aurons formé la population ?

Se mettre les militaires à dos n’est pas une stratégie gagnante pour un Québec indépendant}

Dans le cadre de la transition vers un Québec indépendant suite au processus d’assemblée constituante, l’adhésion des militaires québécois au processus et leur changement d’allégeance en faveur du nouvel État ayant proclamé son indépendance sera un enjeu capital pour rendre effective cette indépendance du régime colonialiste canadien.

Comment espère-t-on convaincre nos militaires de prêter allégeance à notre gouvernement indépendantiste si nous adoptons une position comme l’option A, qui leur envoie essentiellement le message que l’armée est une institution irréformable à éradiquer, qu’ils et elles ne sont que de méchants soldats impérialistes qui prônent la violence et qui n’ont pas les valeurs à la bonne place ? Il serait bien mieux avisé de reconnaître, avec l’option B, l’importance du travail de défense accompli par les militaires, sans pour autant s’empêcher de critiquer les dérives de la culture militaire ; en mettant de l’avant le pacifisme du peuple québécois sans toutefois remettre en question la pertinence de conserver une force de défense réformée, neutre et non interventionniste.

Adopter une position antimilitariste sans nuance prête flanc à la caricature

Le principal obstacle qui gêne l’accession au pouvoir de Québec solidaire est l’enjeu de la crédibilité pour l’électorat. L’adoption de l’option A en faveur d’une stratégie de défense jamais vue jusqu’ici risque fort d’être caricaturée dans l’espace public comme une nouvelle position utopiste, irréaliste et carrément « fleur bleue ». Notre travail d’ici 2022 doit être de convaincre le Québec que nous sommes prêtes et prêts à prendre le pouvoir et à faire du Québec un pays. Cela suppose de faire preuve de responsabilité dans nos prises de position et de chercher un juste arbitrage entre nos valeurs, nos aspirations, et ce qu’il est possible de faire dans le monde dans lequel nous vivons. L’avènement d’un nouveau pays anti-colonial et non interventionniste en Amérique du Nord sera déjà une belle révolution qui nous demandera des efforts colossaux, mais l’adoption d’une position anti-militariste mur à mur et sans nuance risque fort de nous soutirer les appuis nécessaires pour faire advenir notre projet déjà bien radical.

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